Note de Synthèse
Novembre 2025

RÉFORME DE LA TRANSFÉRABILITÉ

DE L’ASSURANCE VIE

 

Résumé exécutif

La présente note analyse en détail la nécessité d’introduire en France un droit à la transférabilité de l’assurance vie avec maintien intégral de l’antériorité fiscale. Cette réforme moderniserait un pilier essentiel de l’épargne longue et alignerait le marché français sur les standards internationaux en matière de protection de l’épargnant.

1. Contexte général

L’assurance vie concentre aujourd’hui plus de 2 000 milliards d’euros d’épargne des ménages et constitue le principal support d’épargne de long terme en France. Elle occupe une place centrale dans l’architecture financière des ménages en remplissant simultanément plusieurs fonctions : outil d’épargne et d’investissement, support de préparation de la retraite, instrument de prévoyance et véhicule privilégié de transmission patrimoniale.

Si la France a progressivement reconnu la portabilité pour certains produits d’épargne — notamment le PEA et le PER—, elle ne l’a jamais étendue à l’assurance vie, alors même qu’il s’agit de loin du principal réceptacle de l’épargne de long terme des ménages. Les règles actuellement en vigueur, largement héritées des années 1990, apparaissent désormais en décalage avec les usages numériques, les exigences contemporaines de transparence, et les impératifs de concurrence effective au bénéfice desépargnants.

2. Problème : une captivité structurelle

L’épargnant ne peut pas transférer son contrat d’assurance vie vers un autre assureur sans perdre l’antériorité fiscale acquise. Ce verrou crée une captivité structurelle qui limite la concurrence, empêche la baisse des frais, freine l’innovation et maintient des millions de ménages dans des contrats patrimoniaux anciens à frais élevés et supports obsolètes.

3. Conséquences pour les épargnants

Les données de l’OCDE et de l’ESMA montrent que les ménages français supportent parmi les frais les plus élevés d’Europe sur les produits d’investissement. Une différence de seulement 1 % de frais annuels peut réduire le capital final de l’ordre de 20 % sur le long terme. Les fonds euros ont, par ailleurs, souvent servi des rendements inférieurs à l’inflation entre 2020 et 2023, entraînant une érosion du pouvoir d’achat. Lorsque s’y ajoutent les frais récurrents de gestion et de distribution, cette érosion se traduit fréquemment non plus par une simple stagnation, mais par une perte réelle en termes de capital.

En l’absence de mobilité, les ménages ne disposent d’aucun levier effectif pour corriger cette situation.

4. Comparaison internationale

Dans les grandes économies développées, la portabilité est devenue un principe structurant des dispositifs d’épargne de long terme, favorisant la concurrence et la protection des épargnants.

·       Royaume-Uni : si les contrats d’investissement assurantiels ne sont pas, eux-mêmes, librement transférables entre assureurs, les épargnants peuvent néanmoins restructurer leurs investissements, modifier leurs supports et dissocier les stratégies d’investissement des outils de transmission, sans perdre le bénéfice global des dispositifs fiscaux et successoraux. Par ailleurs, les frais des retraites professionnelles sont plafonnés à 0,75 %, et la transférabilité des pensions est la norme.

·       Australie : le système SuperStream a instauré des transferts automatiques en numéraire, réduisant fortement les coûts administratifs et renforçant la concurrence entre gestionnaires.

·       États-Unis : les transferts de plans 401(k) préservent automatiquement le traitement fiscal lors d’un changement d’employeur ou de prestataire.

·       Irlande : les dispositifs PRSA et ARF offrent des mécanismes de portabilité clairs, standardisés et efficaces.

Dans l’ensemble de ces pays, la mobilité effective des épargnants a contribué à renforcer la concurrence, à contenir les frais et à améliorer les performances nettes à long terme.

5. Historique législatif français

En 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi autorisant la transférabilité de l’assurance vie sans perte de l’antériorité fiscale (proposition Husson–de Montgolfier). Le texte ne s’est pas poursuivi à l’Assemblée nationale, faute d’inscription à l’ordre du jour, mais il n’a jamais été rejeté. Les travaux préparatoires ont, en revanche, explicitement reconnu l’intérêt économique, fiscal et social de la réforme.

6. Faisabilité technique

Le transfert en numéraire, opéré à une date de valorisation déterminée, constitue le mécanisme de référence et est déjà utilisépour les dispositifs de type PER. Le cadre de Solvabilité II encadre les methodologies de valorisation des actifs, garantissant la cohérence, la fiabilité et la transparence des opérations. Les assureurs gèrent par ailleurs quotidiennement les rachats, les arbitrages et les sorties partielles : l’introduction de la transférabilité s’inscrirait donc dans la continuité des processus opérationnels existants, sans constituer une rupture technique.

7. Impact économique et fiscal

La réforme renforcerait la concurrence, contribuerait à la baisse des frais et améliorerait la performance nette des contrats pour les épargnants. Une croissance plus dynamique de l’épargne se traduirait mécaniquement, à terme, par une augmentation de l’assiette des gains taxables et donc des recettes fiscales. D’un point de vue macroéconomique, la modernisation de l’assurance vie favoriserait une allocation plus efficiente de l’épargne des ménages et renforcerait la confiance dans les produits d’investissement réglementés.

8. Recommandation principale

Instaurer un droit au transfert intégral de l’assurance vie, avec préservation de l’antériorité fiscale, au moyen d’un protocole standardisé applicable à l’ensemble des contrats d’assurance vie régis par le droit français, y compris ceux distribués en libre prestation de services au sein de l’Union européenne. Le dispositif serait supervisé par l’ACPR et l’AMF, et s’appuierait sur les cadres existants du PER ainsi que sur les mécanismes de mobilité bancaire issus de la loi Macron, tout en garantissant une information claire, la protection des épargnants et des dispositifs de sauvegarde appropriés.

9. Conclusion

La transférabilité de l’assurance vie n’est pas une rupture, mais une mise à jour nécessaire. Elle protégerait les épargnants, moderniserait un marché essentiel, renforcerait la concurrence, augmenterait la transparence et permettrait à un produit emblématique de rester adapté aux besoins contemporains. Aucun épargnant ne devrait être piégé dans un contrat en raison d’une règle obsolète.